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Maman

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maman02.02.2020

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À toi...To you....

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Ma Maman chérie, je n’ai qu’un seul regret, j’aurais voulu avoir d’avantage de temps pour prendre soin de toi. C’est aller trop vite, je pensais que tu viendrais vivre chez nous en Australie pour éviter les hivers belges, que tu vivrais dans ton ‘granny flat’ pour garder l’indépendance que tu chérissais tant, à donner tes consultations au voisinage et aux gens qui viendraient de loin pour les soins que tu aurais bien évidemment encore donné à un âge avancé. Tu étais de nature discrète, et pourtant tu avais une présence immanquable. Tu n’étais pas connue ou célèbre, tu étais aimée de tous; Tu n’étais pas enviée, tu étais inspirante et admirée, tu n’étais pas autoritaire, tu avais une autorité naturelle, faite de douceur, de dévouement et d’intégrité. Que ce soit pour ton travail, ta famille, tes enseignements ou ta spiritualité, il n’étais jamais question de se faire valoir, tu n’essayais jamais de prendre de raccourcis, tu te mettais tranquillement à la tâche, sans jamais en espérer trop ni trop vite ; et à l’inverse, tu n’étais pas de nature à désespérer, tu disais toujours: on ne peut que faire du mieux qu’on peut. Le résultat de se travail noble, dévoué et tenace, est difficile à mesurer et à décrire. Comment mesurer que nos enfants sont confiants et autonomes, que nos patients sont dans davantage de conscience et de santé physique et émotionnelle, que nos collègues se sentent inspirés, créatifs et confiants? Tu nous transmis à tous ton intégrité, ta foie, ton dévouement, et par dessus tout, ta confiance en la vie comme tu le dis si bien. J’imagine que nous sommes plusieurs dans la pièce aujourd’hui à penser que tu avais tout le temps du monde pour nous, personne ne se disait que tu avais tant d’autres amis à voir, que tu étais débordée de travail, que tu avais une vie personnelle difficile, et plein d’autres chose plus importante à faire que d’être simplement avec nous. Tu étais simplement là, pleinement présente avec chacun d’entre nous, à nous transmettre ton amour pour la vie. Ce n’est qu’avec ton départ que chacun de nous prend vraiment la mesure du nombre de personnes que tu as profondément touchée et accompagnée.

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Ma Maman chérie, I only have one regret, I wish I’d had more time to take care of you. It all went too fast. I thought you’d come live with us in Australia to avoid the Belgian Winters; that you’d live in your own ‘granny flat’ and keep the independence you cherished so much; and that you’d keep giving consultations to the neighbours and all the people who’d come from afar for the treatments you’d naturally have kept giving until your old age. You were discreet yet the strength of you presence was undeniable. You weren’t popular or famous, yet you were loved by all. You weren’t envied; you were inspiring and admired. You didn’t impose yourself; you had a natural authority, founded on gentleness, commitment and integrity. Whether regarding your work, your teachings or your spirituality, it was never a matter of ego. You never aimed for shortcuts; you simply and peacefully began the task at hand, without hoping for too much too quick. Despair wasn’t in your nature either, you’d simply say: “we can only do our best”. The result of this ongoing, noble and committed work is hard to measure or describe. How do we measure the autonomy and confidence of our children? How do we measure the improved emotional and physical health of our patients? How do we measure the inspiration, confidence and creativity of our colleagues? You passed on to all of us a bit of your integrity, faith, commitment and your profound ‘confidence in life’ as you used to always say. I believe we are many in the room toady thinking that you had all the time in the world for us; none of us thought you had so many other friends and patients to see, that you were busy with work, that you had a rocky personal love life, or many other important things to do other than simply being with us. You were always humbly there, fully present with each and every one of us, passing on your love for life to us. It is only as you leave and we all gather here to honour you that we realise there were many other people who like us felt they had a truly special relationship with you.

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Pour toutes ces raisons maman, tu vas nous manquer, comme maman, comme amie ou comme médecin. Je t’ai pleuré et je te pleurerai encore longtemps, mais aujourd’hui j’aimerais essayer de transmettre la Grâce avec laquelle tu nous a quitté, car j’y vois là l’une des plus belle leçon de vie que tu m’aies jamais donnée. For all those reasons maman, we will miss you, as a mother, a friend and a doctor. I cried for you and I will still cry for some time to come, but today I would like to take the opportunity to try describe the Grace with which you left us, because I see in your death one of the most beautiful life lessons you have given me.

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Depuis très jeune je suis tourmenté par la question de l’existence. Quel est le sens de notre vie, comment peut-on être sure de la nature de la réalité et donc aussi de notre rôle au sein de celle-ci ?Au fil des années, je reviens souvent vers le texte de Camus, le « mythe de sisyphe », c’est un texte qui m’a d’abord parlé parce que j’étais adolescent, à la recherche du sens profond de la vie, puis il m’a parlé par rapport a la mort de papa, puisque Camus commence son texte en affirmant que la question philosophique ultime est la question du suicide – autrement dit, la vie vaut-elle le coup d’être vécue ? Mais je réalise aujourd’hui, de part ta Grâce maman, et non par une démonstration philosophique, que la question est mal posée, que l’absurdité de la condition humaine pourrait bien n’être que le produit d’une incapacité à être pleinement présent. C’est la évidemment le message de beaucoup de mystiques, mais il me fallait en être témoin pour réellement comprendre. Je m’explique. Selon la mythologie Grecque, Sisyphe aurait défié les dieux qui le condamnent alors à pousser un rocher au sommet d’une montagne ; inéluctablement, le rocher roule dans le bas de la vallée et Sisyphe doit recommencer. Sisyphe est donc condamne à pousser son rocher ad vitam aeternam, sans espoir que ca ne se termine, et sans espoir que ca ne serve à quelque chose. Camus nous présente ainsi la condition, selon lui absurde, de l’humanité. Selon Camus il nous faut premièrement, reconnaitre l’absurdité de la situation, mais, il nous faut également nous imaginer Sisyphe heureux. Camus semble bien comprendre que tout un monde ; que le sens de la vie, et la joie d’en faire l’expérience peuvent émerger au sein même d’une situation absurde de part la présence pure ; la présence à sa tâche, la présence à l’autre, la présence à soi. « Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme.»Pourtant Camus, alors même qu’il nous propose un Sisyphe heureux, semble vouloir s’accrocher a la nature objectivement absurde de la situation, selon lui l’absurdité doit être maintenue et ensuite seulement héroïquement acceptée et vaincue.

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Since an early age I have been tormented by the question of existence. What is the meaning of life? How can we be sure of the nature of reality and what is our role within it? I constantly come back to Camus’ text “The Myth of Sisyphus”. At first as an adolescent seeking for the deeper meaning of life, then with dad’s death given Camus’ opening argument that the most important philosophical question is that of suicide – or in other words, is life worth living? But today maman, having witnessed Grace rather than having been exposed to some new philosophical argument, I believe Camus frames the question inadequately. Now I believe that the absurdity of the human condition may well be due to a difficulty to fully be present. Of course this is the message of many mystics, but I needed to be a witness to really comprehend it. Let me explain. In Greek mythology Sisyphus defied the Gods who then condemn him to push a boulder up a mountain. Ineluctably, the rock rolls back down to the valley and Sisyphus must push it up again, for eternity, without hope that it ends nor hope that it ever serves a purpose. Camus uses the Myth of Sisyphus as an analogy for what he sees as the absurdity of the human con-dition. He argues that we must first acknowledge the absurdity of Sisyphus’ condition, and we must then imagine Sisyphus happy. Camus understands that a whole world, the meaning of life and the joy of ex-periencing it, may emerge from an absurd situation, simply by being fully present – present to one’s task, to the other, to oneself. “Each atom of that stone, each mineral flake of that night-filled mountain, in itself, forms a world. The strug-gle itself toward the heights is enough to fill a man’s heart.” Nevertheless, even as Camus proposes a happy Sisyphus, he maintains the crucial necessity to underline the ‘objective’ absurdity of the situation. According to Camus, absurdity must be heroically accepted and consequently transcended and vanquished – subjectively.

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Maman, je pense que tu viens de me démontrer de par ta Grâce et ta présence d’être, que l’argument de Camus n’est pas tout à fait convainquant. Comme Sisyphe tu viens de me montrer qu’il est possible de faire sens des évènements les plus insensés et les plus pénibles ; tu viens de me montrer comment l’on peut être pleinement soi, alors même que notre corps nous trahi, comment l’on peut être pleine de Grâce alors même que l’on est nue, vulnérable et fragile. Tu as fait le choix de la confiance et de l’amour jusqu’au bout, tu as fait le choix d’entrer pleinement dans ta douleur physique et psychologique, d’en faire l’expérience profonde et ainsi de pouvoir lâcher une part de cette douleur et de la lourdeur qui y est associée. Tu t’en es trouvée plus légère, pleinement dans ta verticalité, pleine de Grâce alors même que ton corps nous quittait. Il me semble qu’alors, lorsque l’on est capable d’une telle confiance et présence en son être profond, l’absurde s’efface, la situation dite objective n’a que peu d’importance, seule la Grâce, la confiance et l’amour reste. Je pense que tu as accompli ce geste quasi divin. Quelle leçon de vie maman ! Au travers même de ta mort! Je suis bien sure impressionné comme fils aimant sa mère, mais je suis aussi profondément bouleverser comme être humain de ta profondeur d’être, du sens que tu parviens à insuffler dans une vie qui bien souvent parait incompréhensible. Maman, tu vas me manquer c’est certain, et je te pleurerai encore longtemps. Mais ce ne seront pas que des larmes de tristesse, j’ai tellement de gratitude pour ce que tu nous as tous donné, de part ta venue en ce monde ainsi que de part ton départ. Tu m’as donné quelque chose que l’on ne peut transmettre que par l’Etre et non par la parole, tu m’as transmis ta confiance en la vie et donc les clefs du mystère de l’existence, rien de moins !Je ne dis pas que je parviendrai à atteindre ton niveau de Grâce, mais je sais maintenant bien mieux à quoi ca ressemble dans les faits plutôt que dans la tête. J’espère comme toi avoir l’intégrité de vivre dans ma vérité, de faire du mieux que je peux, petit à petit, et de pouvoir, comme toi dire lors de mon départ : tout est bien. Je t’aime. Gros bisous.

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Maman, having witnessed the Grace with which you left us, I believe that Camus’ argument is not all that convincing. Like Sisyphus, you showed me it is possible to make sense of the most absurd and painful events; you showed me how one can be oneself even as nothing else makes sense, as our body be-trays us, as nothing works anymore, as everything hurts. Your Grace shined most not as you were getting strong, but as you were getting weak, vulnerable, fragile, barely functioning, barely alive. You chose trust and love until the end, you chose to fully embrace your physical and psychological pain, to experience it in its depth, thereby letting go of a part of the pain and its associated weight. You found yourself lighter, in your full verticality as you’d say, full of Grace, even as your body was leaving us. It seems to me that when we are capable of such trust and presence in one’s profound Being the absurdity dissolves, the so-called objective absurd reality recedes; the only reality that remains is Grace, trust and love, the only thing that remains is pure Being. I believe you have managed this quasi-divine act. What a life lesson maman! Through your very death! I am of course impressed as a son loving his mother, but I am also unfathomably moved as a human being by the profundity of your Being, by the meaning you have managed to breathe into a life otherwise inscrutable. Maman, I will miss you of course and I will cry for you for some time to come. But they won’t only be tears of sadness. I have such gratitude for what you have given us through your presence in this world as well as through your departure. You gave me something that can only be passed on through Being and not through words, you gave me your unshakeable trust in life and thus also the keys to the mystery of existence, nothing less!I am not saying I will attain your level of Grace, but I now have a much better understanding for what it looks like in the flesh rather than in books. I hope that like you, I will have the integrity to live my truth, to do the best I can, and that, like you, as I leave I will be able to say: “all is well”.Your loving son

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“Je ne sais pas quel temps vous aurez demain, mais vous m’avez donné un temps magnifique”Véronique Boissin 03.05.1955 - 02.02.2020

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