Délits de fuites Loin de renforcer la proximité et l’efficacité des interventions, la réorganisation interne de GRDF a inscrit une dégradation des services d’intervention qui engage la sécurité des usagers. P. 14POUR UN SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE Avec les risques de la marchandisation de l’énergie, il y a nécessité d’un vrai service public qui œuvre à l’intérêt général. P. 20Faire barrage aux projets L’ouverture à la concurrence et la privatisation des barrages hydrauliques (...) posent question quant à la sécurité des infrastructures... P. 17Linky et Gazpar, vrais ou faux amis ? Depuis deux ans, GRDF et Enedis vantent les mérites de leurs nouveaux compteurs, mais la polémique s’amplifie. P. 18Ne pas jeter sur la voie publiqueUSAGERSLa colère gronde !P. 12ENJEUX DE LA PRIVATISATIONTarifs : l’escalade de la précarité P. 10CASS€ INVESTIGATIONS LA VRAIE INFORMATION SUR L’ÉNERGIETOUT CE QUE VOUS VOULEZ SAVOIR SUR L’ÉNERGIE QUE LES MÉDIAS N’ONT OSÉ VOUS RACONTER :pannes, envolée des prix, fin de la garantie de l’égalité de traitement, restrictions, inégalités, spéculations, profits géantsdes actionnaires... DR
10Enjeux de la privatisation : tarifs et péréquation tarifaireL’exemple européenTous les pays européens ayant mis fin à leurs tarifs réglementés de l’énergie ont vu le prix du kilowatt augmenter de 40 à 140 %, comme en Allemagne. Cela a généré une précarité énergétique grandissante. Aujourd’hui 75 à 150 millions d’Européens sont touchés. Le gouvernement britannique, qui a été l’un des premiers à libéraliser le marché de l’énergie, envisage même une loi fixant le prix plafond de l’électricité pour limiter les hausses. FOCUSTarifs : l’escalade de la précaritéAujourd’hui, deux clients alimentés par dix kilomètres de ligne payent le même tarif que cinquante clients alimentés par deux kilomètres. Mais qu’en sera-t-il demain ?La péréquation tarifaire est un dis-positif spécifique à la France qui permet à tous les usagers, quels qu’ils soient et où qu’ils soient, de payer le même prix pour un service identique et ce, quel que soit le coût de production et de distribution de celui-ci.Les vertus du TRV(tarifs réglementés de vente)Pour garantir cette équité entre tous les citoyens, l’État a établi des tarifs réglementés de vente (TRV) tant pour le gaz que pour l’électri-cité. Ils imposent un plafond sur les prix proposés par les différents opé-rateurs. Les offres dites de marché sont, elles, fixées par les fournis-seurs et impliquent une marge sup-plémentaire en vue de bénéfices.Jusqu’à présent, la France est par-venue à maintenir les TRV pour les particuliers (tarifs bleus), en dépit de la volonté de la Commission eu-ropéenne de les supprimer. Elle n’a cependant pas pu empêcher la mise en place parallèle des offres de marchés et le développement d’opérateurs privés.Une fin programméeLa fin des TRV gaz et des tarifs bleus programmée par la Commission eu-ropéenne à l’horizon 2020, et la ré-gionalisation de la gestion énergé-tique risquent de continuer à faire augmenter la facture des usagers avec, de surcroît, des écarts consé-quents de prix et de services. En effet, les précédents chez nos voisins eu-ropéens ont plutôt tendance à aller dans ce sens.Résistance des usagersLes fournisseurs alternatifs peuvent proposer aux particuliers une « alter- native » à l’abonnement aux four-nisseurs historiques depuis 2016. Ils ne peuvent agir que sur la part qui couvre les coûts de production et de commercialisation, soit 35 % de la facture. Les autres coûts sont fixes pour tous. La réduction sur laquelle ils jouent ne peut donc excéder 10 à 15 % par rapport aux TRV. Un véritable assaut est aujourd’hui mené par les opé-rateurs privés contre les TRV au prétexte qu’ils faussent la concur-rence. Car malgré les opérations publicitaires menées à grand train, les Français restent massivement attachés aux opérateurs historiques. Sur le segment résidentiel, les tarifs réglementés de vente représentent encore 88 % des usagers pour l’élec-tricité (27 millions de foyers) et 54 % pour le gaz (5,7 millions de foyers sur les 10,7 millions d’abonnés).Tous les pays ayant mis fin aux TRV ont vu le prix de la facture grimper.En ChiffresLes enjeux L’existence des TRV permet au-jourd’hui d’avoir un indicateur fiable des véritables coûts de l’énergie. Si demain ils venaient à disparaître, les tarifs pourraient ne dépendre que du bon vouloir des opérateurs et s’afficher à des taux bien plus élevés que le coût réel et ce, en totale opa-cité pour le consommateur. Le réveil risque donc d’être douloureux pour les usagers cédant aux sirènes des offres des fournisseurs alternatifs. Au-delà des questions financières, la qualité de l’électricité et celle du gaz seront elles aussi impactées, en fonction des investissements réa- lisés pour la qualité des réseaux et selon les modes de production d’énergie.Enfin, en inversant le modèle existant qui consiste à produire en fonction de la demande au profit d’un partage d’une quantité d’énergie définie, le risque est lourd d’engager une dispa-rité d’accès entre usagers et l’explo-sion de la précarité énergétique.543 874coupures pour impayés en 2017 en FrancePrécarité énergétique :13 millionsde personnes en France en 201775 millionsde personnes en Europe en 2017+17 %entre 2006 et 2013 en France (hors étudiants et locataires précaires)DR
11www.fnme-cgt.frEnjeux de la privatisation : tarifs et péréquation tarifaireLes factures à la loupe !IndecosaOpérations « Robin des bois »Pour un couple avec 2 enfants, occupant un logement bien isolé de 60 m2 à Paris, au 1er mars 2017. Chèque énergie : copie à revoir !Ce dispositif, en test depuis le 26 mars 2018, doit remplacer les tarifs sociaux gaz et électricité (TPN et TSS) pour les personnes en difficulté. Son bénéfice ouvre des droits supplémentaires auprès des différents fournisseurs tels que la gratuité de la mise en service de l’électricité ou du gaz ou un abattement de 80 % sur les frais de déplacement en cas de coupure due à un impayé. Mais son montant, 125 euros, est loin d’être aussi avantageux. Ceux qui cumulaient à la fois le TPN et le TSS seront perdants car l’aide pouvait aller jusqu’à 190 euros.FOCUSFACTURATIONÉLECTRICITÉGAZChauffage : électricité.Tarif : réglementé en option Base.Facture annuelle : 1 825,28 €. Chauffage : gaz.Tarif : réglementé (Paris : zone tarifaire 2).Facture annuelle : 818,30 €. Fourniture (80 % production + 20 % commercialisation) ConsommationTVA : Taxe sur la valeur ajoutée TVA : Taxe sur la valeur ajoutéeCTA : Contribution tarifaire d’acheminement CTA : Contribution tarifaire d’acheminementTCFE : Taxe sur la consommation finale d’électricité AbonnementCSPE : Contribution au service public d’électricité TICGN : Taxe intérieure sur la consommation de gaz naturelTURPE : Tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité6,2 % soit 112,49 €36 % soit 656,76 €16 % soit 292,68 €13,4 % soit 109,61 €26,5 % soit 484,42 €23,2 % soit 189,84 €14,5 % soit 264,69 €53,8 % soit 440,60 €0,8 % soit 14,24 €3,9 % soit 31,73 €5,7 % soit 46,52 €Association CGT d’information et de défense des consommateurs et sa-lariés, Indecosa existe depuis 1979. Tout usager peut y adhérer. L’asso-ciation « ne se bat pas pour le tou-jours moins cher mais plutôt pour un prix juste. » Elle milite contre la privatisation du secteur éner-gétique, qui signifie pour elle une qualité de service dégradée pour une faible économie. « Les usagers ont besoin d’avoir une électricité conforme et sécurisée. »Les opérations « Robin des bois » sont menées par des agents des in-dustries électriques et gazières.À l’œuvre depuis 2004, ces petits groupes locaux rebranchent les compteurs des familles les plus dé-munies qui subissent les coupures. Initiées par la Fédération nationale des mines et de l’énergie de la CGT (FNME-CGT), elles ont pour objectif d’interpeller les usagers sur l’impor-tance du service public de l’énergie. L’association s’inquiète de voir beau-coup de sociétés qui vendent de l’électricité alors que seul l’opérateur historique s’occupe de l’entretien. Elle pointe notamment le danger que représente la vente des barrages hy-drauliques à des entreprises privées. « Il y a risque d’accidents, d’insécurité. Pour faire toujours plus de profits, les entreprises privées feront moins de contrôle. » Indecosa est pour le risque zéro, même si, selon elle, il n’existe pas. « On doit garder la maîtrise de notre électricité et de notre eau. Et pour cela, il n’y a rien de mieux qu’un service d’État. L’intérêt des usagers, c’est la maîtrise à la source. Une en-treprise privée ne remplacera jamais les services publics. »Elles visent également à interpeller l’opinion publique sur les consé-quences de la privatisation du sec-teur générant une augmentation des prix de l’électricité et du gaz pour les ménages les plus pauvres. Si pour les « Robins » l’électricité constitue un bien vital, il ne s’agit pas pour eux de donner de l’électricité gratuitement. À chaque fois, ils expliquent que le rebranchement qu’ils effectuent fera tourner le compteur et encouragent les foyers à régler leur dette.DRDRAprès la privatisation,qui s’occupera de l’entretien du réseau ?
12Enjeux de la privatisation : abandon du publicLa colère grondechez les usagers !Désertiondes distributeursDurant les dix dernières années, ils ont vu les agences fermer les unes après les autres, et leurs inter- locuteurs disparaître avec elles.Là où une demande de raccorde-ment apparaissait comme une for-malité, c’est un parcours du combat- tant qui se dresse. Idem pour les délais d’assistance et les interven-tions. Les zones rurales sont littéralement abandonnées. La situation des com-munautés urbaines et semi-urbaines n’est guère mieux.À l’origine de cette situation, la sé- paration et la fin de coopération des filiales Enedis et GRDF sous la pres-sion des deux maisons mères, EDF et Engie. Jusqu’alors, la couverture du territoire par les deux entre-prises et le principe de coopération leur permettaient de faire face aux événements climatiques mais aussi d’assurer la présence du service pu-blic, y compris dans les régions les plus fragilisées.Usagers au bord de la crise de nerfsLes usagers sont de plus en plus livrés à eux-mêmes et sont contraints de payer des services qui autrefois leur étaient acquis. En cas de demande urgente de mise en service de gaz, la fac-ture s’élève à 121,02 euros. Alors qu’auparavant un agent de dépan-nage se déplaçait gratuitement, les centres téléphoniques dédiés aux urgences et dépannages gaz ont maintenant pour consigne de limiter au possible l’intervention d’un ga-zier. Les orientations prisent récem- ment par Engie et GRDF vont vers un durcissement de cette situa- tion. Le service clientèle d’Engie, Dolce Vita, est en passe d’être dé- localisé à Madagascar, tandis que GRDF, projette d’automatiser les ré-ponses de la présence ou non d’ou-vrages gaz à proximité de travaux sur la voie publique. Or, il ne peut garantir à 100 % sa cartographie. Les situations ubuesques risquent donc fort de perdurer et de s’inten-sifier, laissant l’usager sans recours.PÉTITIONOSEZ DIRE NON !Les élus des comités d’entreprise d’EDF SA, EDF Commerce, ENEDIS, GRDF et ENGIE SA ont lancé une alerte sur les conséquences prévisibles des propositions législatives de la Commission européenne ainsi que sur les décisions gouvernementales remettant en cause le service public de l’électricité et du gaz. La pétition lancée lors de cette campagne a déjà recueilli plus de 42 000 signatures. En savoir + et signer la pétition www.oui-au-servicepublic-gazelectricite.fr/En ChiffresAVANT5002007200201312220187720190EDF : extinctions records !sites d’accueilboutiquesboutiquesboutiquesboutiqueUn service déshumanisé© FNME-CGTIl n’y a plus aucun moyen de trouver physiquement un interlocuteur pour payer sa facture, demander un délai ou un raccordement. Tout se fait par Internet ou serveur téléphonique.
13www.fnme-cgt.frEnjeux de la privatisation : abandon du publicEn ChiffresUSAGERSSilence, on ferme !PARADOXE ÉCOLOGIQUETÉMOIGNAGEFOCUSDernière séanceSurfant sur la vague de la numé- risation des services, la direction d’EDF a décidé de fermer défini- tivement ses boutiques d’ici fin 2019. L’opérateur historique in-voque un changement des usages de ses « clients ». En réalité, il suit l’organisation des fournisseurs al-ternatifs, lesquels, pour gagner en rentabilité, ont dès le départ cir-conscris leurs services d’accueil aux seules plateformes Internet et ser-veurs vocaux délocalisés.Environ 3,7 millions d’usagers se présentaient en boutique chaque année. Une donnée dont l’opéra- teur semble n’avoir cure.À l’instar des entreprises privées, EDF acte son désengagement vis-à-vis de sa mission de service pu-blic. Il ne s’agit plus de servir le public, mais de se servir. Au public de s’adapter aux exigences des ac-tionnaires. Ce sont, encore une fois, les per- sonnes les plus fragiles, défavori- sées et âgées qui seront abandon- nées. Abandonnés également, les 15 % de la population qui n’ont pas accès à Internet. EDF ne dit pas non plus comment les usagers pourront résoudre un problème d’électricité par Internet le jour où ils ne pourront pas se connecter... faute d’électricité.En raison de l’évolution clima- tique mondiale, il nous est de- mandé chaque jour de faire des économies d’énergie. Isoler notre logement, éteindre nos appareils électroménagers, changer notre véhicule diesel contre une voiture électrique qui serait source de di-minution des gaz à effet de serre. Mais ce que l’on supprime d’un côté n’est-il pas de nature à être immédiatement compensé voire augmenté par le choix de la voi-ture électrique par exemple ?Qui dit voiture électrique dit recharge. Qui dit recharge dit consommation et le passage au secteur privé de votre fournis-seur ne changera rien, bien au contraire, à la facture finale. Si on atteint le remplacement de la moitié des véhicules en 2030, l’économie sur le carburant s’élèvera à 7,5 milliards d’euros, mais va nécessiter la construction de 5 nouvelles centrales nucléaires en France.En réalité, la puissance des batte-ries a été augmentée, comme sur la voiture Renault Zoé. Il faut donc augmenter la puissance des char-geurs, donc payer plus et plus cher sa consommation énergétique.Les composants des batteries risquent de manquer, en plus ils polluent l’environnement, les sols, les eaux et les êtres vivants, ils ra-vagent aussi des régions entières de la planète. On peut se demander si les pouvoirs publics ne refont pas le « coup du gazoil » des années 70 en incitant les Français à ache-ter des voitures électriques et si les fournisseurs privés n’ont pas un gros intérêt en approuvant la méthode. Ce sont bien eux qui signent leur publicité du slogan officiel : « L’énergie est notre avenir, économisons-la ».C’était la dernière agence EDF d’Île-de-France, à La Courneuve (Seine-Saint-Denis). L’entreprise a décidé de la fermer définitivement en mars 2018. Rouverte par la CGT pendant quatre jours, du 22 au 25 mai derniers, elle a vu défiler pas moins de 400 usagers soucieux de trouver des solutions La boutique EDF de Brive accueille 50 à 60 personnes tous les jours venant de toute la Corrèze, pour des questions et des problèmes divers.On a beau être dans l’ère du numérique, rien ne peut remplacer le contact humain.C’est encore un service public de proximité qu’on veut supprimer.Nadine, agent d’accueil à Brive-la-Gaillarde.à leurs problèmes quotidiens liés à l’énergie. Menaces de coupures, soucis de factures, utilisation du chèque énergie : autant de questions singulières nécessitant un interlocuteur physique, à l’image de cette vieille dame dont le contrat avait été « basculé » d’un opérateur à un autre, à son insu.© FNME-CGTDR10 000 à 13 000emplois supprimés chez EDF et Engie dans les prochaines années.
14Enjeux de la privatisation : sécurité des infrastructuresLoin de renforcer la proximité et l’efficacité des interventions, la réorganisation interne de GRDF a inscrit une dégradation des services d’intervention qui engage la sécurité des usagers.Délits de fuitesL’élargissement des zones Là où la proximité s’imposait comme une des conditions sine qua non d’assistance et de sécurité, l’absurdi-té des décisions régit aujourd’hui la répartition des agences, notamment en zone rurale. L’agent d’astreinte peut très bien se retrouver à 70 kilo- mètres des lieux d’un incident, avec un délai d’intervention pouvant dé- passer 60 minutes, alors que celui-ci devrait être normalement de 30 mi-nutes dans 95 % des cas. GRDF ré-trocède ainsi subtilement la gestion des incidents aux pouvoirs publics, en premier lieu aux pompiers.La privatisation du secteur de l’énergie a entraîné avec elle la perte de nombreux savoir-faire au profit de la sous-traitance. Or, pour garantir un haut niveau de sécurité et de sûreté, un person- nel dédié, formé sur le long terme est nécessaire. C’est pour pouvoir assurer cette exigence à chaque maillon de la chaîne que le ministre communiste de la Production in- dustrielle de l’époque a décidé de rassembler les salariés des indus- tries électriques et gazières sous un même statut lors de la nationalisa- tion du secteur. Ce statut est garant de la sécurité en cela qu’il confère des obligations de formation, d’en- gagement et de mission tant aux entreprises qu’aux agents.La grande majorité des 142 000 salariés du secteur de l’énergie qui relève de ce statut travaillent dans les entreprises issues des deux en-treprises historiques EDF et GDF : EDF SA, Enedis, RTE, Engie, GRDF, GRT Gaz, Storengy et Elengy. Les autres travaillent dans 140 régies, coopératives, entreprises de pro-duction ou distribution de gaz ou d’électricité dont les effectifs vont de 1 à 1 300 salariés.Les fournisseurs alternatifs refusent pour leur part ce statut, ce qui leur permet d’embaucher du personnel peu qualifié qu’ils forment a minima d’après le principe d’un « risque cal-culé ». Un risque qui engage pour-tant la vie de nombreux citoyens, dont leurs employés.Aux premières loges des effets de la privatisation sur les installations, les techniciens de l’électricité et du gaz, fidèles à leur engagement de servir le public, se mobilisent pour informer les usagers sur la réalité politique et économique du secteur de l’énergie. Un documentaire Des maux dans le gaz* a ainsi été réalisé à l’initia-tive du CE de la Direction réseau Gaz Île-de-France. Mêlant animation et témoignages, le court-métrage de 15 minutes révèle les coulisses de la privatisation. L’on y découvre notam-ment la notion de « risque calculé » qui explique le manque d’investis- sement et d’entretien du réseau. Tant pis si lorsque l’agent arrive enfin sur les lieux, la situation est souvent dégradée.Un risque calculé Les usagers des zones urbaines ne sont pas mieux lotis. Selon un tech-nicien de GRDF interviewé dans le cadre du documentaire Des maux dans le gaz : « On ne répare plus réellement les fuites, on fait des li-gatures renforcées. C’est du scotch gras qu’on met pour atténuer la fuite. Le problème, c’est que les pan- sements sont faits en attente, pro-visoirement, mais c’est une attente qui dure », et pour cause...Les délais d’attente ont eux aussi été « élargis ». De l’obligation de ré-parer dans les sept jours suivant un constat, l’on atteint maintenant des délais allant de trois mois à six ans. Les techniciens déplorent aussi une augmentation des disparités aux ni-veaux des zones d’intervention pri-vilégiant les quartiers les plus aisés. Pour eux cette situation est une mise en danger directe des popu- lations qui vivent sur les territoires touchés.STATUTDOCUMENTAIRELe statut, une garantie de sécuritéLanceur d’alertesLes élus du CE y témoignent aussi de leur souhait d’alerter les usagers des dangers qu’ils encourent au quotidien. « Il y a une dégradation du service public avec des interventions de plus en plus tardives, (...) une dégradation également de la sécurité du fait des interventions d’urgence qui vont se faire de plus en plus tardivement avec des zones d’intervention de plus en plus larges (...) À force de jouer avec le feu, le risque est là, et nous, en tant qu’élus du personnel, notre rôle est d’alerter à ce niveau-là. »*Des maux dans le gaz est visible sur Youtube.On ne répare plus réellement les fuites.DRDR
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17www.fnme-cgt.frEnjeux de la privatisation : sécurité des infrastructuresL’ouverture à la concurrence et la privatisation des concessions hydrauliques qui se jouent actuellement à Bruxelles posent question quant à la sécurité des infrastructures et du réseau de ce secteur. Faire barrage aux projetsComme pour l’électricité et le gaz, la logique appliquée par la Commis-sion européenne va dans le sens de la rentabilité à court terme.Le scénario risque donc fort d’être le même. Les producteurs privés s’empareront des plus rentables, laissant les autres au service mini-mum ou à l’abandon !Prévenir plutôt que guérir La privatisation des concessions ne peut pourtant se faire sans prise en compte de la sécurité des habitants des territoires concernés et des dif- férents pôles du secteur. Les investissements au niveau des barrages hydrauliques doivent ainsi être gouvernés par la sécurité des personnes, des biens et de l’environ-nement en période d’exploitation normale ou de crue, la prévention en cas de rupture ou de défaillance d’ouvrages. La gestion des crues de-mande, quant à elle, des structures spécifiques (prévisions météo, os-cultation des ouvrages) et une co-hérence de gestion par cours d’eau.En France, seuls les opérateurs historiques détiennent ces compé-tences si particulières.La sûreté des réseaux Grâce à leurs fortes capacités de stockage d’énergie, nos aménage- ments hydroélectriques assurent le soutien du réseau électrique. Certaines centrales, classées « S », sont des pôles stratégiques dé- diés à la sûreté de celui-ci. Elles servent notamment à réalimenter les centrales nucléaires en cas de black-out.Gestion des ressourcesDe fait, la gestion des ressources en eau doit être pensée de façon glo-bale. L’objectif doit être de parvenir à une gestion moderne et collabo-rative des usages de l’eau, bien pu-blic par excellence. Ces impératifs que sont la sécurité des usagers, la sûreté du réseau hy-draulique, la garantie et la qualité d’approvisionnement en énergie sont exclues des négociations en cours. L’appétit des fournisseurs alter- natifs pour la reprise des conces-sions hydrauliques, privatisant au passage les barrages sans volonté d’investissements dans de nou-veaux ouvrages, démontre bien leur stratégie de ne pas répondre à l’intérêt général.Le saviez-vous ?Les barrages sont la seule réserve d’énergie stockable ! Besoin d’électricité : il suft d’ouvrir les vannes !10,1 % de l’électricité en France est hydraulique (2017)31 200 emplois pourraient être créés (à l’horizon 2030) En ChiffresL’hydroélectricité et l’emploiLes barrages et les centres techniques régionaux sont une source d’emploi importante dans des régions parfois en difficulté économique. Une garantie du contrôle public des ouvrages hydrauliques permet de donner aux salariés de l’hydroélectricité une perspective claire sur leur avenir.Les emplois liés à l’exploitation des centrales sont non délocalisables. Des milliers d’entreprises – PME, artisans – contribuent à la construction, la rénovation ou la maintenance des centrales sur le territoire, dans des domaines extrêmement variés (matériaux et technologies de pointe, automatisme, électricité, télécom, BTP, mécanique, fonderie).L’hydroélectricité contribue ainsi au développement des territoires ruraux ou de montagne, où sont principalement situées les 2 250 centrales hydroélectriques.À l’horizon 2020, selon l’étude SER/BIPE, l’atteinte des objectifs de la PPI* générera des investissements et un surplus d’exploitation qui permettront la création de plus de 10 000 emplois directs, indirects et induits supplémentaires.À l’horizon 2030, ce pourrait être 31 200 emplois si le potentiel de 10,6 TWh est pleinement exploité.* Programmation pluriannuelle des investissements : feuille de route publiée en France par le gouvernement qui fait état des objectifs fixés et des investissements à privilégier dans le domaine de l’énergie. FOCUSDR
18Les compteurs intelligentsL’Europe diviséeLa directive européenne relative à l’efficacité énergétique stipule que « 80 % des consommateurs devraient être équipés de systèmes intelligents de mesure d’ici à 2020, si la mise en place de compteurs intelligents donne lieu à une évaluation favorable. » S’appuyant sur cet article, la Belgique, la République Tchèque, la Lituanie, la Lettonie, la Slovaquie, le Portugal et la Slovénie ont renoncé aux compteurs intelligents. L’Allemagne a, elle, limité son déploiement à 15 % des usagers.Linky et les ondes vagabondesDe nombreux opposants à Linky invoquent un danger sanitaire du fait de l’émission d’ondes électromagnétiques par le compteur. Selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) Linky respecte les normes européennes sur ce point grâce à son utilisation de la technologie du CPL (courant porteur en ligne). Elle reconnaît cependant que son interaction future avec d’autres objets connectés et compteurs peut poser problème. Le Criirem (Centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques) a pour sa part lancé une alerte. Il estime que « les mesures citées dans le dossier de l’Anses sont incomplètes puisqu’elles n’incluent pas les champs d’induction magnétique et les champs électriques 50 hertz. » Un rapport de la Cour des comptes émis en février 2018 soutient quant à lui que la question sanitaire n’a pas été assez prise en compte.Depuis deux ans, GRDF et Enedis vantent les méritesde leurs nouveaux compteurs, Linky et Gazpar.Alors qu’ils sont censés faciliter la vie des usagers, la polémique s’amplifie. Décryptage.Linky et Gazpar,vrais ou faux amis ?Une évolution nécessaireC’est, peu ou prou, l’argument in-voqué par GRDF et Enedis pour justifier l’installation de cette nou-velle génération de compteurs dits « intelligents » et « communicants ». Avec onze millions de foyers concernés pour Gazpar et trente-cinq pour Linky, GRDF et Enedis entendent ainsi depuis 2015 équi-per les foyers des usagers de ces appareils. « Le compteur change mais pas notre engagement » peut-on ainsi lire sur le site d’Enedis. « Plus simple, plus clair, plus pra-tique » claironne GRDF.Des compteurs idéaux ?Les nouveaux compteurs doivent nous permettre d’optimiser notre consommation, de faire des éco-nomies et de gagner du temps grâce au relevé à distance. Des compteurs idéaux en somme qui promettent de transformer l’usager en « consom’acteur » responsable. Les deux sociétés invoquent aussi, et en cœur, que ce changement d’équipement se fera « sans frais supplémentaires » et sans risques pour l’usager. C’est ici que, juste-ment, le bât blesse.Paradoxes Contrairement à ce qui est annoncé, c’est bien le client qui paiera le branchement du compteur, car son coup sera intégré au tarif de distribu-tion de l’électricité et du gaz. Par ailleurs, ces compteurs ne sont que des outils de mesure. En aucune façon ils ne permettent de réaliser des économies d’éner-gie, sauf si l’usager modifie en profondeur ses comportements et habitudes. De plus, si les don-nées permettent à Enedis de tracer l’utilisation de l’électricité dans les foyers, l’accès aux informations est beaucoup plus limité côté usager.Espions ou amis ?Si ce dernier n’a plus à se soucier de son relevé de compteur, GRDF et Enedis ne précisent pas qu’il en est de même pour les coupures. Ils ne précisent pas non plus ce qu’il advient des données personnelles qui sont envoyées aux fournisseurs et de leur usage par ceux-ci.Enfin, côté Linky, bien que le pro-jet soit présenté comme étant d’intérêt général, « mobilisant » dix mille emplois, Enedis se garde bien d’annoncer ce qu’il adviendra du personnel chargé jusqu’alors de relever les compteurs, soit plus de deux mille emplois, à l’horizon 2021.Les vrais bénéficiairesDans la pratique, ces compteurs idéaux ne démontrent pas l’inté-rêt « révolutionnaire » qu’ils pro-mettent aux usagers. L’on peut alors se demander qui sont les vrais bénéficiaires.La réponse est à chercher du côté des fournisseurs alternatifs privés. Grâce à l’augmentation du nombre d’informations annexes transmises par Linky et Gazpar, ces derniers vont pouvoir proposer de nouvelles options additionnelles et tarifaires à leurs clients.La polémique autour de la pose forcée de ces compteurs nouvelle génération est donc loin d’être illégitime. Elle a en outre le mé-rite de questionner les véritables tenants et aboutissants de ce projet qui, sous des allures d’inté-rêt général, se dévoile de plus en plus être un outil pour développer le marché de vente d’électricité et la concurrence, financé par le ser-vice public et les usagers.Contrairementà ce qui estannoncé,c’est bien le clientqui paierale branchementdu compteur.FOCUSDR
www.fnme-cgt.fr40 ans Âge de certains compteurs EDF encore en fonction 20 ans d’espérance de vie 4 Mds € Coût total d’investissement pour Enedis Coût pour les usagers15 € / an pendant 10 ans En ChiffresLes compteurs Linky :© Georges Bartoli
2UN BIEN COMMUN !L’énergie est un produit d’intérêt général, mis en œuvre et rendu accessible par un service public, avec des salariés qualifiés,disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En ChiffresPRODUCTIONCONSOMMATION142 000salariés + sous-traitance Exemples : 53 500 salariés prestataires chez EDF SA en 2014 et 34 000 chez ENEDIS.44 %particuliers29 %industries25 %transports3 %agriculture160entreprises des industries électriques et gazières.Les énergies électriques et gazièresVers un monde sans pitié !L’énergie sera-t-elle encore demain une évidence, un droit ?Ce bien public, produit et distribué par un service public,a connu ces dernières décennies de nombreuses mutationsqui interrogent sur son avenir.EDF et GDF, opérateurs historiques, créées le 8 avril 1946 dans un con- sensus politique rare, restent ancrées dans l’esprit collectif. Nombre d’entre nous ont encore le souvenir des petites voitures bleues. Le raccorde-ment en électricité et en gaz était alors gratuit. Les dépannages aussi.Aux originesLa nationalisation du secteur de l’énergie a lieu sur l’impulsion de Marcel Paul, alors ministre de la Production industrielle.Elle découle d’un constat d’échec et de non-loyauté des entreprises vis-à-vis des besoins de développement du pays.Le Conseil national de la Résistance (CNR) prévoit alors « l’instauration d’une véritable démocratie écono-mique et sociale, (...) une organisa-tion rationnelle de l’économie assu-rant la subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général ».Pour l’intérêt généralEDF, GDF et Charbonnages de France sont créées pour assurer les missions de service public nécessaires à la reconstruction du pays.Celles-ci englobent aussi la réponse aux besoins des citoyens, le déve-loppement industriel et scientifique et un aménagement cohérent du territoire. Les industries pétrolières, dont Total, restent quant à elles dans le domaine privé.Et aujourd’hui ?Soixante-dix ans et quelques méta-morphoses plus tard, le paysage de l’énergie a bien changé. De réformes en privatisations, les usa-gers, appelés désormais « clients », ont vu les fournisseurs se multiplier et les offres dans leurs sillages.Autrefois complémentaires et reliées par une direction mixte, EDF et GDF (devenue GDF-Suez en 2008, puis Engie en 2015) sont maintenant concurrentes.Toutes deux fournissent à la fois de l’électricité et du gaz naturel et ont développé une myriade de filiales.D’autres entreprises sont apparues sur le secteur. Régies, coopératives, en- treprises de production et de distribu-tion d’électricité et de gaz existent par ailleurs. L’ensemble constitue les in- dustries électriques et gazières (IEG).La constellation actuelle semble re-nouer avec la situation économiqued’avant-guerre, quand les régies se partageaient le marché de l’énergie et où l’inégalité de traitement et de qualité régnait.Il est donc urgent de poser un bilan de cette privatisation du secteur et de mesurer si elle a permis de ré-pondre au mieux aux besoins ou si, à nouveau, le retour à un service public de l’énergie est nécessaire.Il est urgent de poser un bilan de cette privatisation.L’ÉLECTRICITÉ EN FRANCE MÉTROPOLITAINETotal :529,4 TWhen 2017Source : RTENucléaire (71,6 %)Hydraulique (10,1 %)Gaz (7,7 %)Éolien (4,5 %)Solaire (1,7 %)Bioénergies (1,7 %)Charbon (1,8 %)Fioul (0,7 %)DR
20Revenir à un vrai service publicEDF au secoursdes entreprisesprivées…Fin décembre 1999,suite à la tempête Martin,la ville de Bordeaux a été coupéedu monde pendant 24 heures.Aucun vol à l’arrivée ou au départde l’aéroport de Mérignac,tous les trains à l’arrêt à la gare de Saint-Jean, pas de réseau de téléphonie, et plus de 70 000 foyers privés d’électricité.Jusque-là, la distributiond’électricité bordelaise était géréepar Électricité services Gironde (ESG), une société d’économiemixte (SEM).N’ayant pu financièrement faire faceaux dégâts causés par la tempête,estimés à 570 millions de francs(plus de 86 millions d’euros),le distributeur a été racheté par EDF (également son principal créancier), début 2000.« À l’époque, seule EDFs’est proposée de nous aidertandis que le Sdeeg (Syndicat départemental d’énergieélectrique de la Gironde)regardait ailleurs » témoigne Yves Lecauday, ex-président d’ESG. L’entreprise publiquea également pris en chargela dette de la SEM, ses 300 salariéset le coût de reconstructiondu réseau électrique.Pour un service public de l’énergieAu fil des pages,vous avez pu prendre la mesure des risquesde la marchandisationde l’énergieet la nécessitéde revenir à un vraiservice publicqui œuvre à l’intérêtgénéral. Ce projet, c’est celui que portela Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT.Pour un retour à l’équitéL’ouverture à la concurrence et la privatisation ont complètement déstructuré les secteurs de l’électri-cité et du gaz. Il est donc nécessaire de mettre fin à ce principe de mar-ché qui n’a d’autre objectif que de servir les intérêts des actionnaires et revenir à la souveraineté éner-gétique. Ce principe, soutenu par la restauration de l’équité d’accès et de tarif, contribuera également à réduire la précarité énergétique.Construireune transition pérenneLa question des enjeux climatiques est centrale. Les objectifs fixés par les précédents gouvernements pour limiter le réchauffement climatique ne sont pas atteints. La cause ? Un manque de cohé-rence dans les décisions concernant le déploiement des énergies décar-bonées et le désengagement de l’État au profit de la mise en place d’un nouveau marché.La fragilisation des acteurs et le cloisonnement des secteurs ne permettent plus, actuellement, d’élaborer une stratégie globale permettant d’effectuer une transi-tion énergétique pérenne et respec-tueuse de l’environnement.La faiblesse des investissements dans de nouveaux outils de produc-tions, hors ceux subventionnés, en est l’exemple flagrant.Décloisonner pour fédérer et baisser les prixLe projet porté par la FNME-CGT préconise de décloisonner produc-tion, réseaux et vente et de rassem-bler l’ensemble des travailleurs sous un même statut afin de répondre, dans l’unité, aux besoins en fonc-tion des particularités territoriales et économiques. Les filières indus-trielles du secteur doivent redevenir de véritables acteurs au service de la cohésion énergétique territoriale, de la lutte contre le réchauffement climatique et de la lutte contre la précarité énergétique. Le gaz et l’électricité sont des produits de première nécessité. Ils doivent donc être taxés comme tels, c’est-à-dire à 5 % et non à 20 % comme des produits de luxe.Impliquer les usagersLa qualité et l’impartialité du service public sont les conditions et les ga-ranties du respect des principes qui le fondent, à savoir, la continuité, l’adaptation et l’équité.La construction d’une démocratie « énergétique » permanente entre citoyens, élus, entreprises et salariés permettrait de définir les objectifs, ta-rifs et investissements au plus proche des besoins, mais aussi de créer, d’éva-luer et de contrôler les services et poli-tiques publics. L’énergie doit redevenir un bien collectif d’intérêt général et de service public, lequel doit exercer ses missions au niveau de tout le territoire et pour tous les citoyens.FOCUSEn Chiffres64 Mds € versés aux actionnaires+70 % pour le gaz+30 % pour l’électricitéBilan des 15 années de privatisation :Augmentation des tarifs sur les 10 dernières années : (due, pour les 3/4, aux taxes)DRLe gaz et l’électricité doivent être taxés à 5 % au lieu des 20 % actuels.
www.fnme-cgt.fr21Interview3 questionsà Sébastien Menespliersecrétaire général de la FNME-CGTLa Fédération nationale des mines et de l’énergie, FNME-CGT, est issue de l’union entre la Fédération na-tionale des travailleurs du sous-sol CGT (FNTSS-CGT) et la Fédération nationale de l’énergie CGT (FNE-CGT).Nous représentons une partie des 142 000 salariés qui travaillent dans les 160 entreprises des industries électriques et gazières.Depuis l’ouverture à la concurrence du secteur de l’énergie en 2004, nous faisons le constat que la privatisation nuit aux usagers et aux salariés.Que proposons- nous ?• un projet pour un service public de l’énergie, garant de la cohésion sociale, de l’égalité de traitement, de la solidarité, de la protection de l’environnement, et de la meilleure qualité au moindre coût.• la mise en place d’un pôle public de l’énergie pour gérer et organiser démocratiquement le service public pour l’intérêt général. La FNME-CGT se bat pour faire pré-valoir son point de vue en France et favoriser les convergences « hors des murs » de l’entreprise.Nous revendiquons le droit à l’éner-gie pour tous. Le service public de l’énergie et le statut des énergéti-ciens sont les conditions indispen-sables pour assurer ce droit à l’éner-gie en France, en Europe et dans le monde. Nous souhaitons interpeller les usagers et élus parce que nous estimons qu’ils ont toute leur place dans la construction du service pu-blic de demain.Qui sommes- nous ?FNME-CGTComment définissez-vous les préconisationsde la FNME-CGT en faveurd’un service publicde l’énergie ?C’est un projet de société. La CGT revendique que les usa-gers soient dotés d’un pouvoir décisionnel sur les orientations et l’organisation du service public de l’énergie.Nous sommes favorables à la création de comités locaux d’usa- gers qui désigneraient des re- présentants à même de siéger et de participer aux différentes ins-tances.Je crois fermement en cette idée de redonner aux usagers non seulement la parole mais aussi le pouvoir décisionnel. En partageant la décision et en prenant part à la responsabilité collective, chacune et chacun peut construire et partici-per à l’intérêt général et aux enjeux environnementaux.Quelles en sont les grandes lignes ?Nous avons voulu, dans un pre-mier temps, donner un maximum d’éléments de réflexion sur la déréglementation du secteur de l’énergie et ses conséquences.Faire le bilan de la situation actuelle était un préalable nécessaire.Ce que nous voulons également, c’est remettre les choses dans le bon ordre. Nous voulons sortir l’énergie du monde marchand et revenir à une gestion démocratique du sec-teur. Le retour à l’intérêt général est d’autant plus une nécessité que nous assistons aujourd’hui en France à une augmentation scan- daleuse de la précarité énergétique.Les enjeux environnementaux font eux aussi partie des besoins pré-sents et futurs des populations et participent donc de la notion d’intérêt général que je viens d’évoquer.Qu’ont à voir les organisations syndicales avec l’éclosion d’un tel projet ? Il faut faire comprendre aux tra-vailleurs, et notamment aux jeunes, qu’une autre société est possible. Qu’en y adhérant et en y prenant leur place, les organisations syndi-cales peuvent jouer un rôle déter-minant. Il ne peut pas y avoir que la force politique qui soit une caisse de résonance dans notre pays. Les syndicats font vivre le débat, partagent leur expertise et pro-posent des solutions. C’est ce à quoi s’emploie la FNME-CGT.Le droit à l’énergie est tout simplement un droit à la dignité et à la vie. [...]. C’est en cela qu’il fonde la démarche CGT.© FNME-CGT
©CHOMBOSANL’énergie doit redevenir un bien collectif d’intérêt général et de service public.POUR UN SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIEPRÉCONISATIONSL’ÉNERGIE, NOTRE BIEN COMMUN, C’EST CAPITAL
23www.fnme-cgt.frHumour© MUTIO-ICONOVOX© MUTIO-ICONOVOX© MUTIO-ICONOVOX© MUTIO-ICONOVOXFédération CGT des Mines et de l’Énergie 263, rue de Paris - 93516 Montreuil Cedex Tél. 01 55 82 78 00 www.fnme-cgt.frDirecteur de la publication Sébastien MenesplierResponsable de la rédaction Didier GiraudCréation et réalisation Comtown productionsImpression Rivet Presse Édition, Limoges
Votre électricité et votre gaz, vous les voulez comment ?Afin de prolonger notre démarche commune, la Fédération CGT des mines et de l’énergie souhaite recueillir votre avis !Répondez à notre questionnaire sur : www.fnme-cgt.frou en flashant ce Qr-code avec votre smartphone
3www.fnme-cgt.frLes énergies électriques et gazières HIERUn service public unique : EDF et GDFPlusieurs fournisseurs publics et privésAUJOURD’HUIAgence Accueil physique et téléphoniqueBoutiqueProduction et stockageProduction et stockageTransportTransportDistributeur Branchements et dépannages gratuitsDistributeursUsagersClientsCompteur bleu électricité et gazCompteurs Linky et GazparService publicServices payantsEntreprisesAccueil téléphonique, Internet, physiquePubliques Privées
4Démantèlement d’un service public historiqueUne spirale des inégalitésUn rapport de l’Oxfam*du 14 mai 2018,révèle qu’en France« les entreprises cotées en Boursereversent la plus grande partde leurs bénéficesaux actionnaires ».L’étude montre qu’Engie,dont l’État est actionnaire,a les dividendes les plus élevésaprès Arcelor Mittal.Plus inquiétant encore,en 2012 et 2015, elle a reverséplus de dividendesqu’elle n’a réalisé de bénéfices.Une démarche aux antipodesde l’intérêt général. *Oxford Committee for Famine Relief,est une confédération rassemblant20 organisations non gouvernementalesagissant « contre les injusticeset la pauvreté ».Engie, l’État botte en touche !En vendant 4,5 % de ses partshistoriques, l’État français a actéen 2017 son désengagementvis-à-vis du financementdu service public de l’énergie.Sa promesse de tenirla régulation du secteurde l’énergie semble fondreà vue d’œil. Cette opérationconverge avec l’annoncede la fin des tarifs réglementésdu gaz d’ici 2023. FOCUSL’énergie à bout de soufe !Hausse des prix, usagers floués, dette des entreprises, suppression des emplois... Loin d’être la marque d’une usure du service public de l’énergie, ces aléas résultent de son démantèlement et de sa privatisation.L’histoire avait pourtant bien com-mencé. Pendant les six décennies qui ont suivi sa création, en 1946, le service public de l’énergie a honoré ses missions : l’égalité d’accès et de tarifs, la sécurité des infrastructures et l’indépendance énergétique.Durant cette période, EDF et GDF sont devenues des fleurons de l’industrie française. Leurs investis-sements ont permis des avancées considérables en matière de pro-duction, d’optimisation des usages, et en qualité d’approvisionnementde l’énergie.La fin du bien communÀ partir des années 1980, le monde devient un vaste marché. Les mou-vements de capitaux provoquent la recherche de nouvelles niches financières. Les secteurs industriels de réseaux, services publics en tête, apparaissent comme autant de nouveaux terrains de profits. Les investissements réalisés par l’État avec les citoyens sont en effet quasi amortis, les infrastructures et les réseaux ont prouvé leur fiabilité et leur performance.Néanmoins, le monopole de pro-duction, sous gouvernance de l’État, empêche les libéraux de faire main basse sur ce secteur. Un démantèle-ment « silencieux » s’organise alors, au nom de l’impératif du marché commun et de la baisse des prix.Une méthode bien rodéeLa désintégration du service publicde l’énergie suit une logique impla-cable. Dans un premier temps, les opérateurs historiques sont soustraits de la gouvernance de l’État. Pour cela, la gestion de la structure est séparée de celle du réseau, la se-conde étant confiée à une autorité indépendante.Une fois les blocs séparés, ils sont lit-téralement dépecés individuellement.Ouverture du secteur à la concur-rence, ouverture du capital des entreprises de service public, trans-formation en SA actent le désenga-gement progressif de l’État.Parallèlement, les fournisseurs his-toriques sont contraints de revendre une part de leur production aux fournisseurs alternatifs.Pour mettre fin à la péréquation d’accès et tarifaire, c’est-à-dire l’accès pour tous au même tarif, la Commission européenne vote la fin des TRV (tarifs régulés de vente) en 2015. Deux autres étapes restent à franchir : la régionalisation de la production au prétexte de la dé-centralisation et l’éradication du statut historique des électriciens et gaziers.Prix en trompe-l’œilAlors que la libéralisation des mar-chés était censée faire baisser les prix, les chiffres prouvent un résul-tat à l’extrême opposé.La désintégration du service public de l’énergie suit une logique implacable.« La hausse des prix de l’énergie est due à la dette des entreprises. »VRAI / FAUXFAU X83 %du résultat net d’Enedis a été versé en dividendes aux actionnaires d’EDF en 2017.© Georges Bartoli
5www.fnme-cgt.frDémantèlement d’un service public historiqueLe gaz a augmenté de 70 % en une dizaine d’années et l’électricité de 30 %. L’énergie pèse un poids de plus en plus lourd sur les ménages.Par ailleurs, 15 % des citoyens dé-clarent avoir du mal à se chauffer convenablement. Alors que le prix du kilowatt s’envole, les offres « de marché » proposées à grand renfort de pub par les opérateurs historiques et leurs concurrents dis-simulent cette réalité.Partout le même objectif : celui de faire basculer les abonnés vers un système à forfait pour leur soutirer toujours plus avec des services op-tionnels aussi coûteux qu’inutiles.Et demain ?Après la destruction de la collabo-ration entre les entités de service public, leur mise en concurrence, la pluralisation et la division des activités, la déréglementation des tarifs, c’est au tour de l’approvision-nement d’être attaqué. La régionalisation de l’énergie et l’expérimentation des circuits courts en témoignent. Il ne s’agit plus d’organiser la pro-duction en fonction des besoins mais de faire correspondre ceux-ci à une quantité mise sur le marché. Les risques sont multiples, tant pour la France que pour les usagers : perte de l’indépendance énergé-tique, insécurité des infrastructures, fin de la péréquation tarifaire et de la garantie d’approvisionnement, dégradation de la qualité de l’éner-gie et surtout, des usagers livrés à eux-mêmes.LA PREUVE PAR L’EXEMPLEHinkley PointHinkley Point est une centrale nucléaire située au sud-ouest de l’Angleterre. Initialement proprié-té de British Energy, elle est deve-nue celle d’EDF en 2006. Le projet actuel, très controversé quant à sa fiabilité financière, est de construire deux réacteurs nu-cléaires de type EPR.Et pour cause... L’investissement prévu est de 24,1 milliards d’euros.EDF ayant déjà une dette de 34 milliards, cela risque fort de surendetter le service public. Les risques sont multiples : aug-mentations des tarifs, baisse des investissements en France et surcoût de 34 milliards d’euros pour les Anglais sur 20 ans. Autre inquiétude : ce projet tien-dra-t-il la route face à la concur-rence sur le long terme ? Dans le cas contraire, il risque fort de signer la banqueroute du groupe français.DR© FNME-CGT
6Enjeux de la privatisation : aménagement du territoire et proximitéDistribution : de l’obligation à la discriminationQuel que soit leur lieu de résidence, les Français étaient jusqu’à présent assurés de bénéficier d’un branchement au réseau électrique. Mais en sera-t-il toujours ainsi ?En France, la distribution d’élec-tricité et de gaz est assujettie à une obligation d’universalité de desserte et à une égalité de traite-ment, c’est-à-dire la garantie pour tout habitant du territoire français d’avoir accès à l’énergie.Un modèle responsable Aujourd’hui, les deux entreprises qui distribuent l’électricité et/ou le gaz sont GRDF et Enedis, filiales d’Engie et d’EDF. Le réseau public de distribution est la propriété des communes qui délèguent leur ges-tion à ces entreprises. En contrepar-tie celles-ci s’engagent à entretenir et développer les infrastructures. L’usager ne bénéficie pas gracieu-sement de la desserte d’énergie. Il y contribue à hauteur d’un tiers de sa facture. Cette contribution, basée sur un principe de solidarité, permet le fonctionnement des distributeurs et la cohésion de la distribution sur tout le territoire. Elle garantit par ailleurs une égalité de traitement entre zones favorisées ou non, ur-baines ou rurales, proches ou non d’un lieu de production. Ce modèle pertinent est au-jourd’hui questionné, certains y voyant une source de profits qui pourrait être captée et utilisée à d’autres fins.Le cas Enedis En charge de 95 % de la distribu-tion en France, Enedis occupe une place stratégique dans le secteur de l’énergie. La rétribution dont elle bénéficie lui permettait jusqu’alors d’investir chaque année plus de 3 milliards d’euros pour renouveler et améliorer les réseaux.Or, actuellement, Enedis et sa mai-son mère souhaitent remettre en cause ce schéma de gestion et de-venir une entreprise « ordinaire », sans missions de service public, avec un objectif de rentabilité im-médiate. Les conséquences pour-raient être très lourdes, tant pour les particuliers qu’à l’échelon national. L’équité menacéeLe risque est grand d’assister alors à une dégradation de la qualité de service, des traitements et des tarifs différenciés selon les lieux de rési-dence. L’aboutissement de cette logique se-rait une concentration des investis- sements sur les zones géographiques les plus attractives et rentables au détriment des zones rurales.C’est aussi ce qui adviendrait si le modèle national était remplacé par des entreprises locales, comme cela s’est passé avec la distribution de l’eau.En Chiffres38,4 mds d’€payés par les usagers pour soutenir l’électricité photovoltaïque pour 0,7 % de la production d’électricité.40,7 mds d’€payés par les usagers pour soutenir l’éolien pour 2 % de la production française.DEPUIS 2010© Georges Bartoli
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8Enjeux de la privatisation : aménagement du territoire et proximitéCircuits courts : la fausse bonne idéeDe plus en plus d’intérêts locaux s’expriment pour l’émiettement des réseaux et des circuits de production et de distribution, au motif des énergies renouvelables. Ces propositions ne sont pourtant pas sans risques, tant pour l’usager que pour les territoires.Communautés d’énergies, zones à énergies positives… De nombreux termes sont utilisés pour justifier la multiplication des circuits courts. Alléchantes sur le principe, ces solutions cachent une réalité bien moins noble, dont l’usager risque de faire doublement les frais. Certaines collectivités y voient la possibilité d’obtenir des finan-cements supplémentaires et les fournisseurs privés, de nouveaux marchés à conquérir. L’implantation de ces nouvelles infrastructures énergétiques représente en effet un marché juteux pour certains.Quid du réseau national Les politiques de l’énergie ont un rôle majeur à jouer pour répondre aux enjeux climatiques et il n’est pas certain que la sortie du système électrique national et la multiplica-tion des systèmes de production sans maîtrise publique constituent la meilleure piste. Certes, les gestionnaires de réseaux doivent développer des infrastruc-tures supplémentaires en insérant des nouveaux moyens de produc-tions ENR (énergies renouvelables). Mais cela ne diminue pas l’impor-tance du réseau existant qui doit pallier l’intermittence de ces ENR pour fournir de l’énergie aux usa-gers, même en cas de manque de vent ou de soleil.Un risque pour les territoires Le principe d’autonomie, agité comme une panacée au nez des collectivités, risque fort de se retourner contre elles. Liberté des prix et disparités des tarifs d’acheminements entraîne-raient en effet des inégalités dans l’accès à l’énergie et une discrimi-nation régionale et locale pour l’ac-cueil des activités économiques et industrielles. Au-delà des questions financières, la qualité de l’électricité risque elle aussi d’être déstabilisée en fonction de celle des infrastruc-tures et des modes de production d’énergie. Jusqu’à présent, cette qualité de fourniture, garantie par un réseau national sous maîtrise publique, était une des forces de notre économie, plébiscitée par les industriels, notamment ceux travail-lant dans la haute technologie. L’émiettement des réseaux peut inverser cette réalité. Les territoires qui ne seraient pas en mesure d’offrir une qualité et une garantie d’approvisionnement suffisantes se verraient alors exposés à une désaf-fectation industrielle et économique et, par effet de cascade, à une dé-sertification et du chômage.Le principe d’autonomie risque fort de se retourner contre les collectivités.Smart grids, aubaine ou arnaque ?Appelés aussi réseaux d’énergie intelligents (REI), les Smart grids désignent également les communautés d’énergie et zones à énergies dites positives. Celles-ci sont le fruit d’initiatives libérales et de la volonté de certaines communes d’établir un circuit production-consommation de proximité, sans passer par le réseau historique. Leur visée est souvent économique. Sur le papier, les intentions sont louables : développement des énergies dites « vertes », coût préférentiel.La réalité l’est bien moins. Les dispositifs se limitent souvent à des champs de panneaux photovoltaïques et d’éoliennes à proximité de zones d’habitations. La quantité d’énergie, souvent trop faible, ne permet pas l’implantation d’entreprises dans la zone, créant une désaffection géographique. L’hétérogénéité des acteurs et solutions génère de fortes disparités quant au prix du kWh en fonction des zones.À ce jour, l’électricité produite par ces petits producteurs est rachetée au prix fort par EDF :• Photovoltaïque : entre 60 € et 200 € Mwh. • Éolien à 82 € Mwh. • Biogaz : entre 70 € et 173 € Mwh. • Biomasse à 43,4 € Mwh. Mais si demain, pour des raisons de concurrence, ce tarif préférentiel s’arrête, l’usager paiera au prix fort l’énergie produite à côté de chez lui.FOCUSDRDR
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